La 5G bouscule le monde des data centers
Après la fibre pour l’internet fixe, la 5G ouvre la voie à de nouveaux usages et de nouvelles opportunités économiques en offrant des débits mobiles jamais atteints à ce jour. À condition toutefois de préparer l’architecture de connectivité, de stockage des données et de calcul, et donc d’adapter les data centers en conséquence.
5G, l’ère du « tout connecté »
Augmentation des débits (quelques secondes pour télécharger 1Go de données), réduction du temps de latence (1 ms contre 25 à 40 ms pour la 4G, grâce à des serveurs haute densité pour le traitement et à l’analyse des données), amélioration de l’expérience utilisateur en situation de mobilité : la 5G laisse entrevoir de nouveaux usages et des opportunités business qui étaient jusque-là impossibles techniquement, dans tous les secteurs d’activité. Avec comme corollaire, une augmentation exponentielle du trafic mondial de données mobiles. Ainsi, selon une étude réalisée par Cisco (Global Mobile Data Traffic Forecast Update), ce dernier devrait ainsi être multiplié par sept et augmenter presque deux fois plus vite que le trafic IP fixe entre 2017 et 2022.
Cette augmentation considérable du volume de données s’explique par une mutation des usages ces dernières années : développement du streaming, visionnage de vidéos en haute résolution (grâce à des écrans full HD, 4K à court terme et 8K à l’avenir), réalité virtuelle, machines pilotées à distance en temps réel (Internet industriel des objets, MtoM), intelligence artificielle connectée (domotique, smart buildings…). Tandis que la percée du Cloud gaming, très exigeant en termes de latence, devrait également connaître une forte accélération. Sans compter les nouveaux usages, encore inconnus à ce jour…
Vers un nouveau maillage territorial des data centers
Cette (r)évolution annoncée implique de revoir les stratégies de gestion d’un volume toujours plus important de données. Aujourd’hui, en effet, ce sont les centres de données centraux qui supportent l’essentiel du volume des données générées par l’Internet mobile. Or, avec l’augmentation du trafic, les réseaux backbone des opérateurs ne vont pas manquer d’être saturés.
Une saturation des réseaux et des data centers que les opérateurs seront en mesure d’éviter à la condition d’adopter rapidement de nouvelles stratégies de dimensionnement et d’intégration de nouvelles technologies adaptées à ces évolutions. Ce qui passe notamment par un rapprochement entre les données et les antennes, afin de garantir un délai de latence satisfaisant.
Cette nouvelle approche implique de multiplier les centres de données de proximité (en régions) et de déployer les technologies dédiées au Edge computing. La création de ces mini data centers décentralisés (ou Edge data centers), reliés aux infrastructures existantes, offrira une meilleure répartition des lieux de stockage et de calcul, de façon à soulager les réseaux nationaux.
En outre, la constitution d’un tel réseau de data centers, associé à l’accélération de l’industrie de la 5G et de l’IoT, devrait participer au développement économique des territoires, hors grandes villes, et par voie de conséquence, à la création d’emplois induits par les besoins d’exploitation et de maintenance associés.
Stratégie de déploiement des Edge data centers
Toutefois, à l’intérieur même des data centers, à l’inverse, une certaine continuité sera de rigueur pour ce qui concerne leur gestion : micro ou « classique », leur urbanisation demeurera incontournable pour optimiser leur consommation énergétique, tirer pleinement parti de leur surface et anticiper les futures évolutions.
En d’autres termes, le monde du data center s’adapte aujourd’hui aux exigences des opérateurs et évolue au gré des besoins d’autonomie des industriels. Dans ce cadre, et afin d’exploiter pleinement tout le potentiel de la 5G, il est donc nécessaire de bâtir une véritable stratégie pour être en capacité de traiter et de stocker, de manière sécurisée, plus de données à la périphérie. Le tout dans une démarche de sobriété énergétique, d’autant plus essentielle que l’impact du secteur numérique est croissant et engage, à cet égard, la responsabilité de toutes les parties prenantes : opérateurs, fournisseurs de contenus, constructeurs d’infrastructures, fabricants de terminaux ou encore consommateurs.
Par Ali Alaeldine, directeur de projets, APL.
Ali Alaeldine est directeur de projets chez APL, docteur en systèmes de télécommunications à l’INSA de Rennes et expert en stratégie d’entreprise diplômé de HEC Paris. Il bénéficie de 18 ans d’expérience en direction et gestion de projets et management d’équipes, dont huit ans en environnement data center. Il a participé à des projets stratégiques aux niveaux national et international pour des entreprises comme SFR, Automic, Thales, Airbus ou encore Stanley Black & Decker. Ali Alaeldine est formateur certifié cloud computing, SAM et ITIL, et est certifié Lean IT, AgilePM et PRINCE2 Practitioner. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en systèmes d’information et réseaux et du master de recherche en instrumentation et microélectronique de l’université de Metz.