Plan de sobriété énergétique : quel rôle peuvent jouer les data centers en 2023 ?
Fin 2022, le gouvernement a présenté son plan de sobriété énergétique, en appelant à la « mobilisation générale » pour faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie et surtout aux risques de pénurie. Ce plan exhortait les data centers qui hébergent des données à davantage limiter leur recours à la climatisation. Si les exploitants de data center ont entrepris depuis plusieurs années des démarches d’amélioration continue de leur performance énergétique, ils n’en restent pas moins à la recherche constante d’innovation pour devenir plus sobres.
Augmentation des températures dans les data centers : un projet d’envergure
Le plan de sobriété énergétique du gouvernement impose de limiter le recours à la climatisation dans les centres de données, si l’infrastructure le permet. Selon France Datacenter, un passage de 21 à 23 degrés dans les salles informatiques est susceptible de diminuer la consommation d’énergie de l’ordre de 7 à 10 %.
Si les matériels IT peuvent désormais supporter des températures d’entrée d’air de refroidissement supérieures, remonter la température globale des data centers nécessite cependant de bien connaître les spécificités des équipements de climatisation, des équipements électriques et des matériels IT hébergés dans les salles informatiques, et en particulier de maîtriser l’ensemble des flux d’air nécessaires. Le respect des consignes en matière d’augmentation des températures n’est toutefois pas suffisant pour atteindre des résultats significatifs. Il faut l’accompagner de travaux d’aménagement sur les infrastructures tels que le confinement des allées, l’optimisation des systèmes de refroidissement ou encore la modularité des installations.
De tels projets d’optimisation nécessitent une phase d’analyse approfondie pour prendre en compte l’ensemble des paramètres du data center : surface, puissance des matériels, taux de charge, infrastructures physiques, systèmes de refroidissement, flux d’air, contraintes environnementales (poussière, degré d’hygrométrie…), maintenance technique des équipements, etc. Quelles que soient les actions à mettre en place, il faut au préalable élaborer une stratégie solide dans laquelle les actions à court terme serviront de socle à la suite des opérations, afin de maximiser le potentiel de gain énergétique de chaque data center avec des actions plus long terme.
Par ailleurs, au-delà de l’augmentation de la température dans les salles IT, des économies d’énergie peuvent être réalisées sans gros investissements, uniquement en améliorant le pilotage des installations et en mobilisant les parties prenantes. Ces bonnes pratiques sont notamment partagées entre pairs dans le cadre du projet CUBE Datacenters, concours national d’économies d’énergie dans le numérique dont la première édition a été lancée en janvier 2023.
Sobriété énergétique des data centers : l’IT est également à considérer
Au-delà de la réduction des consommations énergétiques des infrastructures du data center, il faut aussi considérer et diminuer celle des systèmes d’information des entreprises.
Par systèmes d’information, on entend, notamment, les éléments comme les logiciels et les équipements IT, les réseaux et plateformes de services, ou encore la gouvernance des données et des applications. La façon dont tous ces éléments sont conçus et gérés détermine l’infrastructure d’hébergement nécessaire et, par conséquent, l’énergie indispensable pour garantir la continuité de service des systèmes d’information
Jusqu’à présent, les solutions et les infrastructures IT étaient pensées sans se préoccuper des consommations énergétiques : abondance de fonctionnalités pas forcément toutes utiles ou utilisées, importantes capacités serveurs allouées dès l’origine pour accompagner la croissance à venir de l’activité des organisations (même si celle-ci s’avère ensuite plus faible qu’anticipée) ou encore interfaces applicatives riches, mais lourdes et donc gourmandes en ressources IT, et par conséquent en ressources énergétiques.
Pour maximiser les gains énergétiques réalisables, il est indispensable de disposer et d’une compréhension globale du système d’information et de bâtir une démarche de sobriété énergétique sur le long terme. En d’autres termes, il s’agit d’évaluer l’existant à partir de données réalistes et de retours provenant du terrain, afin de pouvoir définir les actions à mettre en œuvre pour trouver le juste équilibre entre besoins et ressources. Et donc, d’éviter au maximum le surdimensionnement.
Sobriété énergétique rime aussi avec sobriété numérique
Pour mettre en œuvre un chantier de sobriété numérique, il est indispensable d’objectiver les points d’amélioration potentiels. La première étape consiste donc à identifier et quantifier les impacts environnementaux des services numériques, y compris les consommations énergétiques, sur l’ensemble de leur cycle de vie, depuis l’extraction des ressources nécessaires à leur conception jusqu’à leur revalorisation en fin de vie, en passant par l’utilisation et la production des flux de matières en phase d’usage.
La quantification des impacts environnementaux doit s’appuyer sur un référentiel établi, à partir des données fournies par l’Ademe ou encore par le consortium NegaOctet, par exemple. Elle permet, à un instant donné, d’identifier les mesures à prendre pour réduire les consommations énergétiques et l’impact environnemental sans transfert de pollution. Par exemple, remplacer les matériels IT au bon moment : ni trop tôt pour limiter les renouvellements trop fréquents à fort impact environnemental, ni trop tard pour prolonger inutilement l’utilisation de matériels trop énergivores.
Ces analyses doivent être réalisées tant à la conception d’un service numérique qu’en cours d’exploitation, de façon régulière, pour optimiser en continu les services numériques et les maintenir le plus proche possible de leur potentiel de sobriété optimal.
Innovations et sobriété énergétique
D’un point de vue prospectif, les innovations successives participent à la sobriété énergétique future des data centers : augmentation des capacités des matériels IT pour un coût écologique équivalent, développement progressif de solutions utilisant l’environnement immédiat du data center (air ou eau) en entrée pour le refroidissement ou en sortie pour chauffer des bâtiments à proximité (utilisation de la chaleur fatale) ou encore application de techniques de refroidissement innovantes. C’est le cas par exemple du refroidissement par immersion des serveurs dans de l’huile non conductrice : en plus de réduire considérablement la consommation énergétique des data centers, cette solution permet de récupérer et de réutiliser la chaleur fatale produite par les serveurs, facilite la relocalisation des data centers au plus près des postes d’utilisation, et réduit l’encombrement que prenait le système de refroidissement, avec les bénéfices économiques et écologiques que cela induit.
Au fur et à mesure du déploiement de ces innovations, et d’une plus grande maitrise des installations, les data centers devraient donc encore améliorer de manière significative leur sobriété énergétique et réduire leur empreinte environnementale.
Par Soumia Hattali, cheffe de projets numérique responsable, APL Data Center.