Cahiers techniques : valorisation de la chaleur fatale des data centers
Dans un contexte de développement accéléré des besoins numériques et d’une nécessaire maîtrise des enjeux environnementaux, l’Ademe publie deux cahiers techniques, réalisés par Elcimaï et APL, dédiés à la valorisation de la chaleur des data centers. L’un destiné aux exploitants de data centers, le second aux collectivités territoriales, pour les aider à travailler en synergie dans des projets durables, au service de tous.
Chaleur fatale des data centers : valoriser une énergie perdue
La chaleur fatale est l’énergie thermique produite par un procédé dont elle n’est pas la finalité. Elle est qualifiée de « fatale » car, lorsqu’elle n’est pas récupérée et valorisée, elle est tout simplement dispersée dans son environnement, et donc gaspillée.
Au même titre que les centrales électriques, les centres de valorisation de déchets ou encore les sites de production industrielle, les data centers comptent parmi les producteurs de chaleur fatale. Dans les centres de données, elle provient principalement des équipements informatiques, mais également des infrastructures de production de froid. Elle peut être valorisée pour chauffer des bâtiments résidentiels, des bureaux, des installations publiques (piscine, gymnase…), etc. Cependant, les exploitants de data centers doivent d’abord chercher à réduire leur consommation d’énergie avant de penser à réutiliser la chaleur fatale.
Il est à noter que, selon l’état de l’art actuel, le refroidissement à cœur (immersion, direct-to-chip…) est le système le plus propice à la valorisation de la chaleur. Mais son utilisation reste encore marginale, et plusieurs années seront nécessaires avant son déploiement à grande échelle.
Data centers et collectivités : des enjeux spécifiques, un but commun
La stratégie française Énergie-Climat ambitionne de multiplier par cinq la récupération de chaleur fatale livrée dans les réseaux, et de valoriser 25 à 29 TWh de chaleur fatale d’ici 2035. En 2021, 898 réseaux de chaleur étaient déployés en France. En dix ans, ils ont contribué à réduire de presque moitié les émissions de gaz à effet de serre, comparativement à des chaudières individuelles au gaz.
Les data centers présentent de gros gisements de chaleur fatale. En 2020, le potentiel de chaleur fatale récupérable via les data centers était estimé à 1 TWh, soit 100 000 équivalents logements. En 2030, compte tenu de l’augmentation du nombre de data centers, le potentiel de chaleur fatale récupérable pourrait représenter 3,5 TWh.
C’est pourquoi la directive européenne sur l’efficacité énergétique (directive (UE) 2023/1791) exige que les centres de données de plus de 1 MW valorisent leur chaleur fatale, sauf si cela n’est pas viable techniquement ou économiquement. En parallèle, tout comme le Code de Conduite de l’Union européenne pour l’efficacité énergétique des data centers, la norme, non-obligatoire, « Installation et infrastructure de centre de traitement de données » (ISO 50600-2-1 juillet 2021) intègre désormais les synergies énergétiques territoriales.
Les exploitants de data center doivent donc travailler main dans la main avec les demandeurs de chaleur locaux. Et en particulier les collectivités locales, EPCI ou syndicats d’énergie, qui « portent la compétence de création et d’exploitation d’un réseau public de chaleur et de froid », pour intégrer la chaleur fatale que leurs sites génèrent dans les stratégies énergétiques territoriales.
La communication, socle du succès d’un projet de récupération de la chaleur fatale
Pour faire se rencontrer leurs enjeux et contraintes (économiques, réglementaires…) respectifs, les exploitants de data centers et les représentants des collectivités territoriales doivent s’engager dans la durée dans un processus de co-construction de projets basés sur le dialogue, la compréhension mutuelle et la transparence. Car, qu’il s’agisse de la création d’un réseau de distribution de chaleur ou d’un data center, plusieurs années de planification et de réalisation sont nécessaires.
Ces projets, qui tiennent donc plus de la course de fond que du sprint, démarrent dans tous les cas par un état des lieux à dresser. Du côté des collectivités, il s’agit d’identifier les besoins de chaleur sur le territoire et d’évaluer le potentiel de récupération de chaleur fatale des data centers (ou autres producteurs) déjà présents sur le territoire, ou en projet. Les exploitants de data centers de leur côté, dans un souci de synergie avec leur territoire d’implantation, doivent tout d’abord quantifier la chaleur fatale valorisable, et évaluer la température en entrée et en sortie. Ce qui aidera aussi les collectivités à identifier les usages possibles.
Quant à l’implantation de nouveaux data centers, ces échanges en amont permettront aussi d’optimiser le futur emplacement en fonction des potentiels d’utilisation de la chaleur fatale sur le territoire, tout en tenant compte, bien sûr, de la nécessaire proximité des réseaux électriques et télécoms, pour alimenter le data center.
Pour finir, une convention d’échange de chaleur permettra de contractualiser la vente ou la mise à disposition d’énergie du producteur de chaleur auprès du réseau public (ou sous concession) du territoire.